lundi 16 mai 2011

Un petit râteau vaut mieux qu'une grosse pelle

Le ratage ou sa version simplifiée le râteau, est un sport très répandu dans les rédactions de PQR. Et il faut le dire toujours une petite fierté. Nous autres journalistes, sevrés au biberon du scoop, éprouvons toujours une certaine satisfaction lorsque nous publions une information que nos concurrents n'ont pas.
Il y a le râteau plaqué or qui révèle que le président du Conseil général a détourné des milliards de dollars et qui fait vendre du papier. Mais il y a aussi le râteau en plastique qui annonce que Marcel Latrubesse, demeurant à Pommiers-Moulons a perdu le contrôle de son véhicule sur la D230 et terminé sa course dans le fossé.
Comme les râteaux plaqués or ça n'arrive pas tous les jours, il faut la plupart du temps se contenter des râteaux en plastique. Avec le risque de prendre les vessies de porc (les râteaux en plastique) pour des lanternes vénitiennes (les râteaux plaqués or).
Sur Internet, la déclinaison de cette étrange coutume a des conséquences aussi étonnantes que néfastes. Car jusqu'à ce qu'il ait la preuve du contraire, le journaliste est convaincu qu'il est le seul à détenir une information. Donc qu'il doit absolument garder jalousement son information, l'écrire, la mettre en page, attendre que les rotatives tournent et, enfin, obtenir toute la satisfaction qu'il mérite en constatant, au petit matin, que le concurrent n'a pas publié cette même information.
Le résultat, c'est que souvent, le concurrent qui n'a pas aussi bête qu'on voudrait le croire, a lui aussi l'info. Si bien que des informations qui auraient pu avoir une petite vie sur Internet, meurent de leur belle mort au fin fond d'une page de journal. C'est bien sûr le cas extrême.
Mais il existe beaucoup d'autres cas. Notamment la version que l'on appellera "râteau numérique" et qui consiste à prendre un râteau sur son site Internet simplement parce que l'on a pas voulu publier une information dont on pensait être le seul détenteur.
Il n'est évidemment pas très judicieux de publier en intégralité une information de premier ordre à 20 heures, lorsque l'on est certain de détenir une exclusivité. Les plus grands sites d'information français retiennent régulièrement une information en fin de journée pour ne la publier que le lendemain, au moment où l'audience est là pour la lire.
Mais dans tous les autres cas que faut-il faire ? Publier et garder la main sur l'information. Beaucoup de journalistes sont persuadés qu'en publiant leur information sur leur site Internet ils vont la donner à la concurrence. C'est vrai si ce qu'ils publient est incomplet, mal sourcé, publié au mauvais moment. C'est faux si l'info est complète, mise en valeur, développée et encore mieux : feuilletonnée.
Donc on en revient encore, sinon à la fusion des rédactions des groupes de PQR, au moins à leur mutation profonde. Une mutation qui mettrait en place une tour de contrôle capable de distribuer l'info vers les différents canaux du groupe, comme le fait le New York Times. Une mutation à l'issue de laquelle les journalistes de PQR travailleraient indifféremment pour le journal papier, le site Internet, le quotidien gratuit, la télé...

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